Les biocarburants sont de plus en plus utilisés par les automobilistes.© Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro Les biocarburants sont de plus en plus utilisés par les automobilistes.
Un boîtier sera bientôt homologué pour permettre d'élargir son utilisation par tous les véhicules essence. La consommation de ce carburant vert est déjà vivement encouragée par le gouvernement.
Il est présenté par les professionnels de l'éthanol comme «le carburant du pouvoir d'achat». Le superéthanol E85 devrait être l'un des grands gagnants de la guerre menée actuellement contre le diesel. Ce carburant, qui peut contenir entre 65% et 85% de bioéthanol (produit à partir de canne à sucre, de céréales et de betterave sucrière), a de plus en plus la cote auprès des consommateurs. Il «affiche une forte croissance de ses volumes avec près de 100 millions de litres consommés en 2016», constate la Collective du bioéthanol, qui présentait son bilan annuel jeudi. Certes, cela ne représente que 1% du marché des essences, mais la tendance est à la hausse.
Le contexte est en effet très favorable pour l'E85. Face à un diesel pointé du doigt pour ses rejets cancérogènes, il bénéficie d'une image plus positive, basée sur une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Plus intéressant encore pour les automobilistes: son prix. À la pompe, l'E85 s'affiche en moyenne à 0,69 euro le litre, contre 1,27 euro/litre pour le gazole et 1,48 euro/litre pour le SP98. C'est actuellement le carburant le moins cher, encore moins coûteux que le GPL (0,72 euro/litre). Comme les autres agrocarburants, il bénéficie d'un soutien fiscal du gouvernement alors que la taxation du gazole s'alourdit d'année en année. «Plus il y a d'éthanol, moins c'est taxé et moins c'est cher à la pompe», résume ainsi Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d'alcool agricole (SNPAA). «L'E85 permet d'économiser 500 euros net par an pour 13.000 kilomètres parcourus», ajoute Nicolas Kurtsoglou, responsable carburants du syndicat.
Autres coups de pouce: une exonération fiscale totale ou partielle, selon les régions, du prix de la carte grise du véhicule, la possibilité pour les entreprises roulant à l'E85 de récupérer 80% de la TVA sur ce carburant, et un abattement de 40% sur les taux d'émissions de CO² du véhicule (à condition que ces émissions soient supérieures à 250 g/km), permettant une baisse voire une exonération du malus écologique. Autre avantage d'actualité: les véhicules roulant au Superéthanol E85 sont autorisés à rouler les jours de circulation alternée…
Un boîtier de conversion bientôt homologué
Reste deux problèmes de taille. Tout d'abord, le nombre limité de véhicules pouvant rouler à l'E85. Seules les voitures dites FlexFuel peuvent faire le plein de ce carburant mais rares sont les constructeurs à en proposer. Pour acheter une voiture FlexFuel neuve, l'automobiliste n'a le choix qu'entre Volkswagen (Golf Multi Fuel E85) et Jeep (Grand Cherokee). Selon la Collective du bioéthanol, le choix est plus large en occasion (Megane, Kangoo, Scenic, Laguna, Logane, Duster, Sandero, Focus, Mondeo, Galaxy). Actuellement, seules 31.000 voitures circulent avec cette essence (sur un parc automobile total de 32 millions de véhicules).
L'autre problème concerne le nombre limité de stations-service proposant ce carburant. Il n'en existait que 872 à fin 2016 sur un total d'environ 43.000 stations en France. Mais le réseau s'étoffe. Le nombre de stations distribuant de l'E85 a bondi de 57% entre 2014 et 2016, essentiellement dans les grandes et moyennes surfaces.
Les défenseurs du bioéthanol ont par ailleurs une solution au problème des voitures FlexFuel. Ils rappellent que depuis 2006, des entreprises commercialisent un boîtier électronique qui, une fois installé dans le véhicule, permet d'adapter automatiquement le moteur en fonction de l'essence utilisée. Autrement dit, tout véhicule essence peut devenir FlexFuel, capable de rouler indifféremment au SP95, SP98, SP95-E10 ou Superéthanol E85, grâce à ce boîtier de conversion. «Le prix de ce boîtier varie en fonction du nombre de cylindres de la voiture. Il coûte par exemple entre 400 et 600 euros pour un véhicule 4 cylindres. Son prix peut grimper jusqu'à 1000 euros. Mais son installation est simple et il est rentabilisé au bout de deux ans. C'est intéressant, même pour la flotte d'entreprise», assure Sylvain Demoures.
Le gouvernement a d'ailleurs décidé de donner un cadre réglementaire officiel à ces boîtiers avec la publication d'un arrêté attendu mi-avril qui définira clairement leur processus d'homologation et leur condition d'installation. «Cette homologation va permettre aux automobilistes de faire migrer leur carte grise vers la bicarburation. C'est important pour l'assurance du véhicule et pour bénéficier des avantages liés aux voitures Flexfuel», précise Francis Pousse, président de la branche stations-service du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA).
En plein «dieselgate», marqué par l'effritement des immatriculations de voitures diesel depuis le scandale Volkswagen, l'avenir semble sourire aux professionnels de l'éthanol. En plus de l'engouement croissant pour l'E85, ils constatent que le SP95-E10 est en passe de devenir l'essence préférée des Français, devant le SP95, avec une part de marché de 35,5% en 2016. De plus, l'ED95, un carburant composé à plus de 90% d'éthanol et utilisable par les poids lourds et les bus, a obtenu au début du mois le feu vert pour sa commercialisation.
Seules ombres au tableau: les critiques des ONG sur l'insécurité alimentaire mondiale qu'entraîneraient le développement des biocarburants de première génération et une récente proposition de la Commission européenne qui prévoit une réduction nette de l'utilisation des agrocarburants à horizon 2030. «Cette proposition constitue un retour en arrière. Elle sera amendée par le Parlement et le Conseil européen. C'est un processus qui va prendre deux ans. On compte sur la France pour peser sur les discussions», confie Nicolas Rialland, responsable éthanol au sein de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Ce dernier balaye aussi l'argument sur l'insécurité alimentaire. «Les cultures consacrées au bioethanol représentent moins de 1% de toutes les surfaces agricoles françaises. Ce débat sur la concurrence des surfaces est derrière nous».