Auto Le contrôle technique dérape
Publié le : 24/01/2017

Protocoles aberrants, tests impossibles, risque de mise en panne, discrimination des hybrides, le millésime 2017 du contrôle technique auto tient du délire administratif.
 

Depuis le 1er janvier 2017, toute voiture qui se présente au contrôle technique auto avec le voyant de diagnostic moteur (1) allumé se voit frappée d’une contre-visite obligatoire. « C’est aberrant, s’emporte Jean-Claude, gérant de deux centres de contrôle technique du Sud-Est. Avec ce nouveau délire administratif, on envoie les gens chez le garagiste avec à la clé une facture de 60 à 80 € pour simplement éteindre un témoin qui n’a aucun lien de cause à effet avec la pollution émise. » Depuis janvier également, les contrôleurs doivent vérifier la visibilité à travers les vitres avant et pare-brise fumés. Si on ne peut pas « distinguer clairement l’intérieur », le véhicule est refusé et doit obligatoirement repasser une contre-visite. Sauf que l’appréciation de l’opacité est laissée aux contrôleurs. « Sans mesure scientifique, c’est source de litiges », précise Jean-Claude. De plus, des dérogations existent pour les véhicules blindés et les personnes souffrant d’affections de la peau spécifiques. « Bilan : des clients se font délivrer des certificats médicaux de complaisance ! », soupire-t-il.

Plus grave, notre contrôleur révèle un biais majeur des tests antipollution. En effet, les mesures des émissions des pots d’échappement, essence comme diesel, exigent d’accélérer les moteurs à leur régime maximal. Sauf que bien des véhicules modernes ne permettent plus cette torture. « Au point mort, impossible de dépasser le ralenti accéléré, ils sont bridés par l’électronique », explique Jean-Claude. De grandes marques sont concernées, comme celles du groupe Volkswagen (Seat, Audi, Skoda et VW), Renault, Fiat, Lancia, Opel, Honda, etc. « Conséquence, par dérogation, des centaines de ces véhicules passent avec brio le test de pollution… au ralenti et en toute légalité. »

À l’inverse, une voiture qui peut être accélérée à plein régime au point mort a de fortes chances que l’exercice mette en panne sa direction assistée électrique (de plus en plus répandue). On parle de modèles phares du groupe PSA-Peugeot Citroën, de BMW, etc. À l’issue du contrôle, la gestion de direction se met en mode dégradé et le volant devient dur à tourner. « Au client de se débrouiller pour la reprogrammer ! », s’exclame Jean-Claude.
La grande loterie des hybrides

Autre aberration, le traitement de faveur réservé aux voitures hybrides. Elles échappent aux tests de pollution à partir du moment où leur moteur thermique ne se déclenche pas lorsque le contrôleur entre le véhicule dans son local ! Les propriétaires d’hybrides n’ont qu’à recharger leurs batteries juste avant le contrôle pour parcourir quelques mètres en mode électrique et c’est bon, même si le moteur pollue ou fait un bruit de tous les diables une fois allumé. Et ce ne serait qu’un début. « Les évolutions de la réglementation pour 2018 réservent d’autres mauvaises surprises », promet le technicien. Instauré en 1992, le contrôle technique auto a pour vocation d’éradiquer les voitures dangereuses et polluantes. Il comptait alors 53 points de contrôle contre 125 en 2017.
Véhicules électriques
Une usine à gaz

Une habilitation et un équipement spécifique – casque avec visière, gants isolants et surgants de protection – sont requis pour contrôler les véhicules 100 % électriques. Pourtant, par conception, une voiture électrique est totalement blindée. Son plancher est plat et fermé, les contrôles du dessous de caisse se limitent donc à un simple coup d’œil opéré en moins d’une minute ! Aucun démontage n’étant autorisé, un câble haute tension qui serait écrasé suite à un choc et risquerait le contact avec le châssis reste indétectable ! Le seul vrai contrôle électrique se limite à vérifier la bonne isolation de la prise de charge à l’aide d’un multimètre. Dérisoire !
Notes
(1) Voyant orange dont le pictogramme symbolise un moteur et dénommé OBD (on board diagnostic) dans le jargon technique.

Michel Ebran